Philippe Lançon: “Ce qui reste de moi est en lambeaux”
Le 7 janvier, dans les locaux de Charlie Hebdo, Philippe Lançon, gravement blessé à la mâchoire était laissé pour mort par les frères Kouachi. Silencieux depuis, il a répondu ce lundi matin aux questions de Léa Salamé sur France Inter.
Il y a six mois, trois terroristes plongeaient la France dans l’horreur. Au total, 17 personnes ont perdu la vie dans les attentats de ce début janvier, dont 12 à la rédaction de Charlie Hebdo. D’autres personnes étaient présentes, certaines ont été épargnées, d’autres ont été lourdement blessées. Parmi elles, le journaliste et écrivain Philippe Lançon, chroniqueur pour le journal satirique.
Touché à la mâchoire, il a feint la mort pour éviter les balles tueuses des frères Kouachi. Sorti de l’enfer, il a enchaîné les opérations chirurgicales et la rééducation, et à l’exception d’un témoignage écrit dans Libération, il s’était tenu à l’écart des médias. Léa Salamé est allée l’interviewer ce matin dans sa chambre d’hôpital.
A la fois incroyablement posé et à fleur de peau, Philippe Lançon avoue ne pas repenser à ces terribles évènements pour pouvoir avancer et se reconstruire. “Si j’y pense, je vois quelques amis morts qui étaient près de moi”. Ce qui ne va pas sans l’ingérable pensée qu’il doit la vie à un simple livre. “Probablement, si je n’avais pas montré un livre de jazz à Cabu, je serais sorti une minute plus tôt, et je serais tombé sur le frères Kouachi, je pense que je ne serais pas là pour vous parler.”
Aujourd’hui, le journaliste occupé à “se réparer” suit les médias de loin. D’autant plus qu’il a coupé très vite été incapable de supporter la vulgarisation des faits: “Il m’était très difficile de les voir se diluer dans des paroles, des commentaires, voire des livres que je trouvais d’extrêmement basse intensité par rapport à ce que mes amis et moi avions vécu.” Il assure ne même pas vraiment savoir ce qu’est “l’esprit du 11 janvier”, lourdement critiqué par certains comme Emmanuel Todd. Alors lorsque Léa Salamé lui demande ce qui a changé depuis les attentats, il ne peut que fournir une réponse personnelle. Il raconte être en pleine évolution, entre celui qu’il était et celui qu’il sera. “Il reste des parties de ce que j’étais, mais elles sont en lambeaux”.
Malgré l’abomination, Philippe Lançon explique ne pas pouvoir envisager ce drame autrement que de manière comique. “C’est comme s’il s’agissait d’une bande-dessinée tragi-comique, sauf que nous n’avions pas à la lire, nous étions dedans. Je ne peux pas penser cette scène comme quelque chose d’absolument sérieux (…) Il y a quelque chose qui reste horriblement comique.”
Pour la question du pardon, c’est hors sujet pour Philippe Lançon, pour autant, il reste fidèle à sa philosophie. “Je fais en sorte d’être le plus attentif et le plus compréhensif envers ceux qu’à priori je ne comprendrai pas.”
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Crédits photos : getty image