Oui, l’Île de La Réunion a tout pour devenir une terre de cinéma
Du 6 au 13 novembre 2016, le voyage de découvertes “La Réunion, terre d’images et de tournages” a révélé aux professionnels nationaux et internationaux le potentiel de l’île en termes de décors, de talents, d’histoires et de moyens. On vous raconte !
1. Les invités de l'Eductour "La Réunion, terre de tournages" arrivés à l'aéroport
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Le voyage de découvertes intitulé “La Réunion, terre d’images et de tournages” a débuté le 6 novembre 2016. De gauche à droite Anna Diallo, chargée de mission Marketing Territorial chez Nexa, Audrey Dijoux, conseillère en séjour à la Fédération Réunionnaise du Tourisme, Jenny Seibert, responsable marketing territorial et communication chez Nexa, les producteurs Philippe Pujo et Caroline Lassa, Valérie Lépine de Film France et la showrunneuse Solen Roy.
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© Jenny Seibert / Nexa
En 1969, François Truffaut posait sa caméra inspirée sur le territoire réunionnais, y mettant en scène la divine Catherine Deneuve et le charismatique Jean-Paul Belmondo. Près de 50 ans après La Sirène du Mississipi, alors que la beauté éclectique de l’île a échappé aux affres du temps et que son peuple soudé a fait mentir les plus intolérants, La Réunion reste une terre de tournage peu employée, qui a encore besoin que l’on rappelle ses qualités. La démonstration était belle, imparable et surtout nécessaire. On a décidé de vous la faire partager.
Il était une foisL’idée est née il y a trois ans, lorsqu’il s’est agi de trouver une thématique visant à mettre en avant les richesses de l’Ile de La Réunion. Contre toute attente, le monde du cinéma et de l’audiovisuel s’est imposé, avec pour objectif de tisser un lien affectif entre le territoire et le reste du monde, fondé sur le partage de belles histoires racontées et de sublimes paysages montrés.
Derrière ce projet de “mettre La Réunion sur la map des tournages nationaux, francophones et internationaux”, se cache un cinéphile, Vincent Payet, conseiller régional élu en charge du numérique et des industries de l’image. Il est le premier à y avoir décelé outre un intérêt culturel évident, un intérêt touristique indéniable et par extension une plus-value économique insoupçonnée. Après avoir fait le tour des institutions, il est parvenu à réunir les trois acteurs indispensables à la réussite de son idée, à savoir l’agence de développement économique “Nexa”, l’agence de promotion du territoire “Ile de la Réunion Tourisme” ou IRT et le bureau d’accueil des tournages, “l’Agence film Réunion” ou AFR.
Porté par Nexa, l’AFR et l’IRT, le voyage de découvertes dit “éductour” a invité pour sa troisième édition des réalisateurs, producteurs -français mais aussi sud-africains, allemands, américains et chinois- à sillonner les meilleurs sites de tournages de l’île, à rencontrer des professionnels et des talents réunionnais et à assister à des conférences centrées sur les dispositifs d’aides mis en place. Le tout dans l’idée de faire naître des idées, des rêves et des projets.
Une terre lunaire, luxuriante ou paradisiaque : La Réunion des mille paysages
Dès leur arrivée sur le sol réunionnais l’expérience est intense, l’accueil des organisateurs consistant à transporter leurs invités de l’aéroport à leur hôtel 5 étoiles surplombant la mer… en hélicoptère. Une première vue du ciel de l’île et de la multiplicité de ses paysages, de la savane aux forêts tropicales, en passant par la plaine de sable brulée par le soleil et le volcan. Un volcan que les hôtes de l’éductour ont pu approcher dès le lendemain lors d’une randonnée très matinale. Au menu, le paysage lunaire de la Plaine des sables et les cratères encore récemment en éruption du Piton de la Fournaise.
Plus loin, c’est au cœur de la forêt de Bébour ou de la savane du Cap La Houssaye, au sein du Conservatoire Botanique National, sous les jets d’embruns venus des falaises du Souffleur, ou lors d’une croisière Coucher de soleil que producteurs et auteurs ont laissé vagabonder leur imagination. Afin de parfaire leur connaissance déjà intime des richesses naturelles de l’île, un deuxième survol plus approfondi en hélicoptère leur a permis en outre de repérer les petits villages situés au creux des trois cirques – ces enceintes naturelles à parois abruptes qui font entre autres sa réputation.
Science-fiction, polar, film d’aventure, telenovelas ou comédie estivale ? A La Réunion, il y en aurait donc pour tous les goûts comme pour tous les (micros) climats, le tout à vol d’oiseau. Un précieux car très rare atout en termes de temps et d’optimisation des coûts de tournage.
Hindous, catholiques, musulmans, athées… : La Réunion des mille visages
Il suffit de connaître un tant soit peu La Réunion pour savoir que derrière ces paysages idylliques se cache une richesse encore plus rare : celle de son peuple métisse au passé riche et tourmenté, et au présent harmonieux et envié. L’ADN de cette terre multiculturelle, ce sont les professionnels réunionnais du milieu qui en parlent le mieux, à travers leurs projets.
Selon Guillaume Kondoki, réalisateur et scénariste réunionnais, “l’atout principal de La Réunion sont les gens, la culture, le passé” : “On a été rattrapé par la modernité et il s’agit aujourd’hui de retrouver notre identité. La Réunion est une île magnifique qui le restera et qui n’a pas besoin pour cela qu’on parle d’elle. Ceux qui en revanche qui ont besoin qu’on les considère, ce sont les gens. Mes histoires tournent autour du même thème, l’exil, inspiré par mon parcours et celui de mes amis, contraints de tout quitter souvent par nécessité et ne pensant qu’à rentrer dès que possible…”
Réalisateur également, Laurent Pantaléon a avoué de son côté avoir à coeur d’explorer dans son second court métrage les “croyances populaires des Réunionnais”, en centrant son récit sur “l’histoire d’un père divorcé qui va devoir traverser toute l’île pour rendre à sa petite fille son baba sifon, un doudou doté de divers pouvoirs selon la légende.”
Autres producteurs et cinéphiles passionnés par leur île, Olivier Dejan et sa complice Constance Hoarau, de la société Vert M Prod, nous ont fait partager leurs ambitions : “A l’école, j’ai appris que mes ancêtres étaient les gaulois”, sourit le premier, “mais j’en ai d’autres qui ne le sont pas et j’aimerais commencer à raconter leur histoire, afin que cela se retrouve sur les bancs des écoles et aide à reconstituer une mémoire réunionnaise. J’ai notamment un projet qui me tient à cœur, dont l’idée est venue d’un conservateur de musée qui a passé sa vie à étudier Baudelaire et a trouvé que les deux tiers de son œuvre étaient influencés par son voyage dans les Mascareignes, soit l’île Maurice, Rodrigues et La Réunion. Mon documentaire propose une relecture du poète à travers cette donnée fondamentale sans laquelle il n’aurait pas été le même”. Il fallait oser.
Producteurs, auteurs, réalisateurs : La Réunion des hommes d’inspiration
Vous l’aurez compris, le deuxième temps fort de l’éductour après la découverte des paysages et des personnages de l’île, a été ces rencontres avec des producteurs, réalisateurs, auteurs et acteurs. Face-à-face minuté ou soirée de networking plus décontractée ont permis un échange prolifique pour les locaux heureux de rencontrer entre autres personnalités, celle de Jonas Dornbach, producteur du coup de cœur cannois Toni Erdmann ou de Daniel Saint Pierre, directeur artistique de Tarzan et autres classiques Disney. Echange précieux également pour les invités, fascinés par ces raconteurs d’Histoire passionnés.
“Je viens aujourd’hui faire des rencontres avec ces professionnels extérieurs pour porter des projets qui viennent d’ailleurs ou exporter des projets qui viennent d’ici”, nous confie le directeur associé de Nawar Productions, Charles Blondeau. “Aujourd’hui le métier de l’audiovisuel grouille d’indépendants qui font des films. On ne manque pas de compétences mais plutôt de pratique notamment sur des projets d’envergure”, précise-t-il, rejoint en cela par Laurent Pantaléon : “L’Agence Film Réunion a mis en place des ateliers d’aides à l’écriture qui ont été précieux pour moi. Il nous faut ces formations essentielles à notre pratique, il faut qu’on apprenne notamment dès l’écriture à être irréprochable pour pouvoir vendre nos projets”.
Parmi ces hommes de cœur, un certain Dkpit se distingue : co-fondateur du groupe de hip hop Futur Crew, cet artiste aux commandes de Max Paradise -son premier long métrage de fiction pensé et organisé lors de l’éductour 2015-, a réussi à fédérer autour de son projet et pour la première fois, une équipe entièrement réunionnaise. Des professionnels qui se sont formés ailleurs avant de revenir au pays : “On n’a surtout pas une vision folklorique de notre métier mais une vision internationale, inspirée par celle de Peter Jackson, néo-zélandais qui a su ramener dans son île des œuvres à portée internationale. Au niveau technologie, je bosse avec la société Digital Studio, à la pointe de la technologie. Le teaser que je présente partout a été tourné avec une caméra Red Dragon. Quant à mes comédiens, j’en suis très fier. L’AFR a fait un énorme travail en faisant venir des coachs et en organisant cet éductour nous permettant de rencontrer facilement et dans un contexte détendu des gens que l’on n’aurait jamais rencontré autrement.”
L’AFR et à sa tête, le délégué général Edy Payet, dont l’une des nombreuses missions consiste à réunir ces talents et combler leurs attentes, le tout dans une bonne humeur indétronable. “Avant l’AFR, j’étais prof et très engagé dans l’éducation à l’image. Avec l’AFR je continue à former les professionnels en partageant notamment lors de rencontre tout ce qui se tourne à la Réunion“, nous a-t-il confié. Favoriser la naissance d’histoires réunionnaises par des Réunionnais, encore et toujours.
Des moyens exceptionnels pour financer les tournages : La Réunion des sommes à disposition
L’un des derniers moments stratégiques de l’éductour a enfin été la conférence centrée sur les dispositifs d’aide et de financements aux professionnels du cinéma dans l’île. Dans un hôtel LUXueux de la côte ouest, Valérie Lépine-Karnik, déléguée générale de Film France a parlé Crédit d’impôt international et abattement fiscal, Jean-Pierre Legras, directeur des affaires économiques à la région a détaillé les aides à la création et à la production mises en place, Yannick Le Sager, de Transpalux, a dénombré les nombreux moyens techniques tandis que des intervenants et étudiants de l’ILOI, Institut de l’image de l’océan indien, ont incarné l’étendu du savoir humain. Autant de leviers mis en place et d’atouts incitants les producteurs nationaux et internationaux à poser leurs caméras au coeur de ce territoire compétitif.
Le producteur de la série Cut, Patrice Laurent, ne s’y est pas trompé il y a de cela quatre ans, lui qui a en outre été totalement séduit par la facilité des rencontres avec les décideurs de la Région : “Nous avons trouvé une participation active de toutes les forces vives de la production audiovisuelle ici, que ce soit des techniciens, des responsables de production ou des comédiens. On apprécie les décors naturels et aménagés parfaitement conformes à ce que l’on souhaitait, le contact avec une population bienveillante notamment lorsqu’on tourne en extérieur et les très bons figurants. Maintenant, si l’opportunité d’associer un décor unique au monde avec une population qui vit dans des conditions exceptionnelles en termes d’art de vivre nous a enchanté, il faut avouer que la subvention qu’on a obtenue a été déterminante : sans ce montant suffisant pour co-financer la série, nous ne serions pas venus”. A garder en tête donc.
La Réunion terre de tournages d’hier….
Après ces quelques jours féconds passés ensemble à découvrir les terres et les hommes de La Réunion, les têtes pensantes et actives de l’éductour, entourées de leurs invités, ont pris soin de faire un bilan.
Bilan des films et séries qui ont déjà fait les beaux jours de La Réunion :
1969 La Sirène du Mississipi, film de François Truffaut
2006 Les Secrets du volcan, portée par Véronique Jannot
2010 Signature, série portée par Sandrine Bonnaire
2011 Sections de recherche, « Une place au soleil »
2014 Adama, film d’animation de Simon Rouby
2014 Belle comme la femme d’un autre, film de Catherine Castel (II)
2014-2016 : Cut saison 1 à 4
2016 Une famille formidable, « Cœurs blancs, cœurs noirs »
2016 Papa ou maman 2 de Martin Bourboulon
2016 In America saison 3 : tournage pensé et organisé lors de l’Eductour 2013
La Réunion, terre de tournages de demain…
Et annonce de ce qui est prévu et espéré dans les jours et mois à venir :
Attendu demain, deux longs métrages pensés et organisés lors de l’éductour 2015 : Ce mal étrange de Pierre Henry Gibert et Jacques Fieschi avec Louise Bourgoin pour 2016 et Ukiyo image d’un monde flottant de Guillaume Foirest avec Vincent Cassel pour 2017 ; mais aussi une deuxième série après Cut, portée par France télé, par les producteurs de Baron Noir Kwai production et par les trois auteurs de Plus belle la vie. Une riche occasion comme le rappelle Edy Payet de “permettre aux intermittents de faire leurs heures pendant 6 mois pour ensuite mieux se consacrer à leurs créations”.
Espéré dans quelques temps, la création d’un marché du film avec les partenaires de l’Océan indien, et les partenaires métropolitains. A la presse locale emballée, Vincent Payet a notamment dessiné les premiers traits d’un projet qui trouvera un écho chez les cinéphiles réunionnais : la reprise d’un Festival du Film, deux ans après l’arrêt de celui mis en place par sa présidente Fabienne Redt : “Il ne s’agira pas du même festival. Nous aimerions nous orienter vers un festival de l’océan indien, africain, métropolitain et réunionnais, qui réunirait l’ensemble des partenaires institutionnels qui font le cinéma”.
Outre les initiatives de ce vivier d’idées local, ont été esquissés les projets des producteurs et auteurs invités et inspirés par l’éductour organisé.
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Le producteur Philippe Pujo a ainsi confirmé son désir de produire avec la société Estrella Productions un long métrage produit par Pathé et intitulé All inclusive. Une comédie française au casting que l’on tiendra encore secret, qui ravira les passionnés du genre.
Caroline Lassa, productrice chez France Télévisions confie vouloir amener deux épisodes de la saison 6 de sa série Candice Renoir : une réflexion amorcée avec sa complice et ex showrunneuse de la série Solen Roy-Pagenault, elle-même très inspirée pour ses futurs projets par le multiculturalisme et la coexistence apaisée des religions dans l’île.
“C’est une expérience fantastique qui m’a ouvert les yeux”, a également affirmé le producteur sud africain Dan Jawitz, désireux après sa telenovela chez les Mauriciens de faire un tour par La Réunion.
En matière d’inspiration, Daniel Saint Pierre n’est pas en reste, lui qu’on a pu voir esquisser de nombreux dessins sur la fin du séjour et qui a confié s’intéresser fortement à un film d’animation : “une histoire de pirates inspirée du célèbre La Buse, enterré dans le fameux cimetière marin réunionnais” qui l’a tant fasciné : “J’ai également repéré lors de la visite en hélicoptère un petit village dans lequel j’aimerais situer mon histoire”. Après Walt Diseny et Dreamworks, La Réunion ? L’idée est séduisante.
“En 2017, nous aurons encore de plus en plus de désirs et de moyens”, aime affirmer Edy Payet. “Nous allons en outre créer un observatoire auquel participeront l’Ile de la Réunion Tourisme, Nexa et l’Agence Film Réunion, afin que l’on mesure au jour le jour l’état de la filière et que la région puisse adapter à chaque fois ses dispositifs”. Des idées à la pelle. Une collaboration complice et fructueuse. Un cercle vertueux, infaillible. Ce qu’il fallait démontrer !