Michèle Morgan et Jean Gabin : leur coup de foudre secret sur « Quai des brumes »
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Quand Michèle Morgan tourne Quai des brumes avec Jean Gabin (diffusé le 23 janvier sur Arte), elle a 18 ans et lui 34. Elle est inconnue et lui, déjà une star. Pourtant c’est la jeune femme qui, bravant sa timidité, va prendre les devants et faire chavirer celui qu’alors toutes les femmes convoitent. Retour sur les coulisses d’un coup de foudre qui, ironie du destin, prendra fin avec la guerre 39–45, sur un quai…
1938. A l’époque, toutes les femmes en pincent pour ce cabochard aux yeux couleur horizon et la voix mâle qu’est Jean Gabin. Il a alors 34 ans. Avec ses costards et ses chemises de soie coupés en sur-mesure, il est un modèle d’élégance. Et ses rôles de mauvais garçon lui ajoutent ce trouble canaille qui fait rosir d’envie les filles de bonne famille. Michèle Morgan, 18 ans, n’échappe pas à la « Gabinmania ». La toute jeune comédienne vient de tourner son premier rôle dans Gribouille de Marc Allégret. Elle y incarne une jeune et pauvre immigrée russe qui a tué son riche amant violent. Raimu y joue un juré qui s’entiche d’elle lors du procès. Sa présence magnétique et sa grande beauté impriment la pellicule, et n’échappent pas à l’œil averti de Jean Gabin qui suggère à Marcel Carné de lui faire passer un essai pour Quai des brumes.
Michèle Morgan n’en revient pas. Elle va tourner avec Jean Gabin. Elle doit même l’embrasser dans une scène, sur un quai. Evidemment elle a le trac. Evidemment, elle n’en mène pas large sur le tournage. D’autant que Jean Gabin ne cesse de la charrier. « Avec ces yeux-là, vous devez voyager beaucoup et en embarquer pas mal”, lui avait-il balancé après avoir vu ses essais. Et là, de sa voix gouailleuse, elle l’entend dire à la maquilleuse : « Je suis sûre que cette môme, elle sait pas embrasser ! ». Il le répète même à qui veut l’entendre. Ce qu’il ne sait pas, c’est que derrière l’apparence fluette et timide, Michèle Morgan cache un tempérament passionné qui ne craint pas de s’affranchir de quelques règles, notamment celle qui veut qu’un baiser de cinéma reste… un baiser de cinéma !
»Moteur« . Marcel Carné lance la scène. Notre Lion ascendant Taureau est sûr de lui. Tout contre elle, les yeux plantés dans l’immensité de ceux de sa partenaire, il lui glisse un »T’as de beaux yeux tu sais » en préliminaire d’un baiser qui aura le sel de celui d’une femme et d’un homme qui s’attirent. D’une femme et d’un homme qui, bientôt, vont vivre une belle romance, en dépit des 16 ans qui les séparent.
« Ce film m’a permis de faire deux rencontres essentielles : le cinéaste Marcel Carné, bien sûr, et Jean Gabin, avec lequel j’ai vécu une belle histoire d’amour », dira Michèle Morgan des années plus tard. Jean Gabin, elle le retrouve l’année suivante à Brest pour le tournage de Remorques de Jean Grémillon. On est en 1939 -pour diverses raisons, le film ne sera terminé qu’en 1941. Jean Gabin est en train de divorcer. Michèle Morgan est libre, rien n’entrave plus ce trouble qu’ils ressentent l’un pour l’autre.
Michèle Morgan et Jean Gabin s’aiment. Le couple magnifique qu’ils forment ferait presque oublier l’horreur de la guerre qui s’annonce. L’actrice doit embarquer pour l’Amérique. Il a choisi de partir aussi (on lui reprochera d’ailleurs par la suite de ne pas avoir fait cette guerre), mais ne veut pas le faire tant qu’il n’est pas certain que son ex-femme est en sécurité. Michèle et Jean se disent adieu sur un quai de gare… “Il est là, tête levée, moi à la fenêtre penchée vers lui, je le regarde, je souris. Une scène de cinéma, mais le dialogue est de nous et nous la jouons la gorge serrée”, se souviendra-t-elle avec émotion.
Quand Jean Gabin finira enfin par rejoindre Hollywood, d’autres amours les appelleront l’un et l’autre. Ce quai qui vit naître leur premier baiser de fiction aura finalement marqué également la fin d’une romance qui, par temps de brume, avait su se faire plus belle qu’au cinéma.
Crédit photos : Sipa