Festival du Film Culte : le Club 300 AlloCiné y était !
A l’heure où les festivals viennent à disparaître, Trouville-sur-mer a vu un heureux événement se concrétiser : la naissance du Festival International du Film Culte, co-fondé par Karl Zéro et Daisy D’Errata, organisé du 16 au 19 juin derniers.
Compte-rendu signé par Dominique Maury Lasmartres, blogueur et membre du Club 300 AlloCiné, une communauté rassemblant les membres les plus actifs d’AlloCiné, autant des experts du cinéma et des séries que les meilleurs contributeurs de la toile francophone.
Naissance d’un festoche
Tard dans la nuit de vendredi à samedi, les festivaliers sont au bar Les 4 Chats pour la première fête officielle du festival, un bar-restaurant qui accueille également l’exposition de photographies de Michel Tréhet, Mademoiselle Barbie, et ce jusqu’au 12 septembre 2016. La célèbre poupée de Mattel revisite des lieux cultes et scènes de cinéma mythiques, comme derrière le volant d’un taxi jaune new-yorkais en référence à Taxi Driver.
Je parviens enfin à échanger quelques mots avec Karl Zéro, jusqu’alors toujours très entouré par diverses personnalités locales ou des membres du jury. A ses yeux, c’était une évidence qu’il manquait un festival se consacrant à des films au statut culte pour de nombreux spectateurs qui n’ont parfois jamais eu la chance de voir ces films ailleurs que sur le petit écran, ou bien même, dans certains cas, jamais. Pour cette première édition, la rétrospective s’est consacrée à “La comédie francophone, bon enfant et grinçante” en sept films, chacun présentés par des membres de l’équipe :
Les Galettes de Pont Aven
Les Tontons Flingueurs
Le Père Noël est une Ordure
Les Triplettes de Belleville
Dikkenek
La Nuit Américaine
L’Aventure c’est l’aventure
C’est un pari gagnant pour Karl Zéro puisque l’unique salle du festival, le Cinéma Ephémère, aménagée dans un espace jouxtant le Casino de Trouville, a vu beaucoup d’affluence dès sa première soirée avec Les Galettes de Pont-Aven, présenté par Jean-Pierre Marielle, le réalisateur Joël Séria et Jeanne Goupil. Mais le culte n’est pas simplement un regard vers le passé puisque le festival propose aussi une compétition, programmée par Anaïs Tellenne, fille de Karl et Daisy, également composée de sept œuvres encore inédites dans les salles françaises :
Apnée de Jean-Christophe Meurisse
Toni Erdmann de Maren Ade
Je me tue à le dire de Xavier Seron
Album de famille de Mehmet Can Mertoglu
Willy 1er de Marielle Gautier, Zoran et Ludovic Boukherma et Hugo P.Thomas
Wonderland de Benny Jaberg, Carmen jaquier, Gregor Frei, Jan Gassman, Jonas Meier, Lionel Rupp, Lisa Blatter, Michael Krummenacher, Mike Scheiwiller et Tobias Nölle (oui, dix réalisateurs)
Journal d’un photographe de mariage de Nadav Lapid
L’idée, trouver les films cultes de demain à l’aide d’un jury éclectique, présidé par Jean-Pierre Marielle et composé d’Arielle Dombasle, Laurent Baffie, Sylvain Chomet, Jacques Séguéla, Joey Starr et Olivier Van Hoofstad.
Ambiance chaleureuse et désinvolte
JoeyStarr débarque en soirée sur un morceau de pop : “C’est quoi cette musique de merde ?” #FIFC2016
— Dom Maury Lasmartres (@Silence_Action) 18 juin 2016
Resserré sur le secteur du casino de Trouville-sur-mer, le Festival International du Film Culte offre une vraie proximité avec les membres du jury et les équipes de film. Que ce soit avant ou après les projections, tous se prêtent au jeu des photos et autographes avec les festivaliers et touristes tandis que le bar privé l’Embellie, réservé aux accrédités, permet de boire un verre et de discuter en toute tranquillité, parfois devant un match de football, Euro 2016 oblige !
D’ailleurs, ayant déjà découvert Toni Erdmann à Cannes, je me suis retrouvé devant le match de l’Espagne contre la Turquie en compagnie de Mehmet Can Mertoglu, réalisateur d’Album de Famille, le film âpre qui ouvrait la compétition ainsi que Lionel Rupp, l’un des dix réalisateurs derrière l’apocalypse helvétique de Wonderland. L’occasion d’en découvrir un peu plus sur le cinéma turc, son financement, mais aussi de partager nos visions de la mise en scène et du montage.
Concernant les membres du jury, on peut saluer l’assiduité de Sylvain Chomet, qui n’a manqué aucune séance publique, mais le discret réalisateur des Triplettes de Belleville se faisait piquer la vedette par Laurent Baffie et JoeyStarr, toujours prêts à rebondir sur les discours de l’énergique Karl Zéro, donnant alors dans des batailles de vannes et coups bas. Mais personne n’était épargné : lors de la séance d’ouverture, Karl déclare qu’il espère que le festival connaîtra au moins quarante éditions, mais qu’il ne sera plus là pour en témoigner, au contraire d’Arielle Dombasle.L’actrice n’a pas le temps de rétorquer que Laurent Baffie en rajoute une louche, mais JoeyStarr envoie dans la salle “Mais qui l’a invité celui là ?”
“Il y a des films que l’on va voir et des films que l’on va revoir.” Claude Lelouch #FIFC2016 pic.twitter.com/mD4Q4XnXa7
— Dom Maury Lasmartres (@Silence_Action) 18 juin 2016
Le Festival International du Film Culte, ce sont aussi des moments d’émotion quand les réalisateurs et comédiens montent sur scène pour se remémorer des tournages, des rencontres professionnelles qui ont donné naissance à de solides amitiés. Claude Lelouch a rappelé que le temps qui passe est le seul critique qui a plus ou moins raison en présentant L’Aventure c’est l’aventure, un film toujours d’actualité puisqu’il présente des personnages sans point de repère, qui confondent tout, l’amour, le fric… Des personnages encore plus à la mode aujourd’hui.
Lelouch se souvient d’une vraie bande de copains, de Jacques Brel tombant amoureux de Lino Ventura et de Lino Ventura tombant amoureux de Jacques Brel. Sur le tournage, ils faisaient les cons tous les jours et Ventura disait à Lelouch “Ce n’est pas grave de toute façon il ne sortira jamais ce film !” et surtout, c’est parce que les comédiens n’ont pas eu peur du ridicule que le film est devenu ce qu’il est, un film culte -et il est vrai que cette comédie est absolument irrésistible par sa sacrée bande d’acteurs, son sens du sketch et ses dialogues succulents.
Le point d’orgue du culte a été atteint avec la projection des Tontons Flingueurs, présenté par le comédien italien Venantino Venantini, extrêmement ému par cette célébration du premier film français auquel il a participé. Heureux et plein de vigueur face à une salle comble, il déclara son amour à la France et à Trouville-sur-mer, dont l’odeur de la mer l’enchante tout comme le goût des moules !
Les Clefs de Baffie
Trois séances de minuit permettaient aussi de (re)découvrir certaines œuvres. C’est sur Les Clefs de bagnole de Laurent Baffie que je me suis porté. Un échec commercial phénoménal, à tel point que malgré la présence réduite de festivaliers pour cette séance (une trentaine de personnes), le réalisateur a déclaré que cela doublait le nombre total d’entrées de son film ! Il s’est aussi montré content de présenter son film en séance de minuit, étant friand de “midnight movies”, comme Phantom of the Paradise de Brian De Palma qu’il a vu 26 fois en salle.
Les Clefs de bagnole est une comédie qui mériterait d’être réhabilitée au plus vite. Le scénario est d’une simplicité aussi absurde que géniale : Laurent Baffie, dans son propre rôle, a perdu les clés de sa voiture, enfin, il les a glissé par inadvertance dans la mauvaise poche de son jean. Cet élément est révélé dès le début du film au spectateur dans de fausses séquences de caméra cachées dans lesquelles Baffie présente son projet à une multitude de producteurs et comédiens français, tous refusant de participer à ce projet aberrant.
Dans ce méta-film fabuleux parsemé de micro trottoirs, Laurent Baffie et Daniel Russo multiplient les rencontres et aventures improbables dans un parcours porté sur l’amour du cinéma. Ce qui importe n’est pas la finalité annoncée mais la richesse du voyage, telle une odyssée surréaliste et absurde dans laquelle on peut croiser Gérard Depardieu en fromager, Jean-Marie Bigard en directeur de banque ou un incroyable Alain Chabat spécialisé dans la vente de chiens au dressage très particulier. Une œuvre hilarante, qui a fait pleurer de rire la poignée de spectateurs, dont Olivier Van Hoofstadt. A l’issue de la projection, Baffie, que l’on pouvait voir parfois caméscope en main dans les rues de Trouville, nous confie qu’il a un nouveau projet de film en préparation. On lui dit “M…”
Expositions & Evénéments
#IsabelleHuppert 1987 #Harcourt #FIFC2016
Une photo publiée par Dom (@sushi_overdose) le 16 Juin 2016 à 10h14 PDT
Outre l’exposition des photos Mademoiselle Barbie, le Festival International du Film Culte permet de découvrir de magnifiques portraits Harcourt à l’Office de Tourisme -jusqu’au 2 juillet. De Jean Gabin à Minnie en passant par Jacques Chirac et Catherine Deneuve, ce sont plusieurs dizaines de sublimes portraits qui sont exposés, et cerise sur le gâteau, une cabine de vous permet de repartir -contre 10 euros- avec votre propre portrait Harcourt.
Robe de @leaseydoux_genuine pour le film #LaBelleEtLaBete de Christophe Gans. #FIFC2016 #LeaSeydoux
Une photo publiée par Dom (@sushi_overdose) le 18 Juin 2016 à 7h08 PDT
A la Mairie de Trouville, ce sont des objets de la Fondation Jérôme Seydoux -Pathé, qui se sont déplacés- et ce jusqu’au 28 juin sur la côte normande. Affiches, photos, accessoires et costumes constituent cette petite exposition où l’on trouve notamment le vélo de Bienvenue chez les Ch’tis ou encore la robe portée par Léa Seydoux dans La Belle et la Bête de Christophe Gans.
Le vendredi soir s’est tenu un concert très particulier avec le quatuor Playmobil, un duo -oui, il n’y pas d’erreur dans cette phrase- de musiciens jazz qui ont revisité dans l’église Bonsecours des thèmes de films culte. De Lawrence d’Arabie à Kill Bill en passant par les merveilles musicales de Nino Rota pour Federico Fellini, les festivaliers ont replongé dans des musique mythiques du 7ème art avec une instrumentation inédite à base de clavier, xylophone, guitare, batterie, clochettes et trompette.
Palmarès 100% français
A l’issue des trois premières journées de festival, la quatrième se consacrant aux reprises des trois lauréats, le palmarès a pris les couleurs du drapeau français. Le Prix du jury (ou Prix du meilleur réalisateur) a été décerné à Apnée de Jean-Christophe Meurisse. Une comédie absurde et énergique dans laquelle trois amis dynamitent la bienséance avec jovialité. Bien que ce long métrage manque de souffle dans sa deuxième partie, avec des scènes qui s’étiolent, le premier long métrage de Meurisse apporte un vent de fraîcheur dans la comédie française.
C’est une œuvre à la fois drôle et touchante qui décroche le premier Grand Prix du Film Culte, Willy 1er, un premier long métrage également, signé à quatre par Zoran et Ludovic Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas. De jeunes réalisateurs qui se sont rencontrés à l’école de la Cité de Luc Besson. Suite à deux courts métrages avec Daniel Vannet, un cinquantenaire alors illettré lorsqu’ils l’ont découvert et décidé de travailler avec lui, Willy 1er signe l’aboutissement d’une collaboration portée sur le réel dans un récit initiatique séduisant. A l’orée de la moquerie se dégote la tendresse dans cette histoire de courage et de bravoure au cœur de la cruauté ordinaire, tournée exclusivement avec des amateurs à l’exception de Noémie Lvovsky, qui apporte une délicatesse extrême dans ses séquences avec Daniel.
Quant au Grand Prix du Public du Film Culte Vintage, il a été remis suite à un vote des internautes au film de Georges Lautner, Les Tontons Flingueurs.
Puissance Culte
Le Festival International du Film Culte deviendra-t-il culte ? C’est tout ce qu’on lui souhaite, car pour cette première édition, Karl Zéro, Daisy D’Errata et leur équipe ont réussi à proposer un événement qui conjugue cinéma et festivités avec un état d’esprit tout à fait charmant. Un rendez-vous autant porté sur la redécouverte que la découverte, unissant films reconnus à des œuvres qui s’apprêtent à débuter leur vie en salle. Il y a bien entendu quelques éléments qui manquent de rodage, une salle unique qui limite le nombre de projections -et propose des gradins au confort limité-, mais il faut saluer l’entreprise qui n’a connu aucun accroc. Les premiers pas sont un succès, reste à tracer tout un chemin dans l’histoire des festivals dédiés au 7ème art.