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Comment lutter contre l'obésité aujourd'hui en France ?

Début octobre 2009, Nicolas Sarkozy crée la Commission pour la prévention et la prise en charge de l’obésité*. Face à cet enjeu de santé publique, nous avons interrogé le Pr. Serge Hercberg, précurseur du célèbre Programme National Nutrition Santé (PNNS). Des causes du surpoids à la malbouffe en passant par la publicité dans les émissions pour enfants, il répond à nos questions.

Peut-on parler d’une épidémie de surpoids et d’obésité en France ?
Pr Serge Hercberg**, directeur de recherche à l’Inserm et professeur de nutrition à l’université de médecine Paris 13 : En France, entre 1980 et 2000, on a vu augmenter considérablement la fréquence du surpoids et de l’obésité chez l’adulte et surtout chez les enfants. C’est pourquoi on parle parfois d’une épidémie. Mais, depuis qu’ont été mises en place des politiques nutritionnelles de santé publique en 2000, on constate une évolution favorable de la situation.
Par contre, cette fréquence de l’obésité continue d’augmenter chez les populations les plus défavorisées… Il y a une sorte de disparité sociale, une fracture nutritionnelle en France. Cela montre qu’aujourd’hui, il faut recentrer les politiques nutritionnelles en prenant en considération les spécificités économiques, sociales et culturelles. Quelles sont les causes de cette augmentation du surpoids ?
Pr Serge Hercberg : Il y a de multiples facteurs qui peuvent expliquer cette évolution extrêmement défavorable de la fréquence du surpoids et de l’obésité : l’évolution de l’offre alimentaire qui propose de plus en plus de produits, la déstructuration des repas, la perte d’un certain nombre de repères concernant l’alimentation, la recrudescence de la consommation d’aliments particulièrement gras et sucrés, la sédentarité, l’absence d’activité physique…
Aujourd’hui, on essaie de recadrer cette situation grâce à l’information et la communication envers les adultes, les enfants et même les enfants mais également en jouant sur l’offre alimentaire.
Enfin, rappelons-nous que la nutrition c’est ce qui rentre, l’alimentation, c’est également ce qui sort, l’activité physique. C’est l’équilibre entre les deux qui permet, aujourd’hui, de lutter contre le surpoids et l’obésité. Mais bien manger coûte cher. Comment améliorer la situation ?
Pr Serge Hercberg : D’un côté, la communication vise à donner des conseils pratiques, des trucs et astuces pour manger bien et pas trop cher. D’un autre côté, on joue sur l’offre alimentaire de manière à ce que les produits les moins chers, soient de la meilleure qualité nutritionnelle possible.
On donne également des recommandations pratiques. Par exemple, quand on dit “mangez des fruits et légumes“, c’est bien sûr frais si on peut le faire, mais aussi en conserves ou en surgelés. La qualité nutritionnelle est la même et à moindre coût, donc plus accessible.
On essaie également de collaborer avec les industriels, notamment dans le cadre de chartes d’engagement. Les industriels ont suffisamment de marge de manœuvre aujourd’hui pour offrir des produits de très bonne qualité gastronomique et qui soient un peu moins gras, un peu mois sucrés et un peu moins salés. L’interdiction de la publicité dans les émissions pour enfants peut-elle être efficace ?
Pr Serge Hercberg : L’interdiction de la publicité dans les émissions télévisuelles destinées aux enfants ne peut pas être une mesure totalement efficace à elle seule. Néanmoins, elle est complètement légitime pour donner une cohérence à l’ensemble des messages véhiculés et même indispensable pour avoir une véritable politique de santé publique.
C’est sûr que ce type de mesure, comme souvent en santé publique, se heurte à des intérêts, des enjeux économiques. C’est pourquoi les lobbyings ont réussi, jusqu’à présent, à bloquer cette mesure qui, obligatoirement, verra le jour.
Je crois que ça sera salutaire pour tout le monde et surtout pour nos enfants, que cette mesure soit placée sous la forme d’une régulation obligatoire. Huit ans après son lancement, quel est bilan du PNNS ?
Pr Serge Hercberg : Nous avons constaté qu’il y a eu des avancées dans certains domaines, notamment dans la consommation de fruits et légumes. L’objectif que l’on s’était fixé, à savoir augmenter de 25 % le pourcentage de consommateurs ayant un apport suffisant en fruits et légumes a été atteint chez les adultes.
Malheureusement, il ne l’a pas été chez l’enfant et il ne l’a pas été non plus dans toutes les couches sociales… Le bilan est donc relativement mitigé, avec de véritables avancées sur la consommation de fruits et légumes et de sel, parfois favorable sur certaines populations mais pas sur toutes. Malheureusement, il y a encore beaucoup d’efforts à faire.
Propos recueillis par Florence Lemaire, Yamina Saïdj – Septembre 2009
* Présidée par Anne de Danne, actuellement déléguée générale de la Fondation Wyeth pour la santé de l’enfant et de l’adolescent, la Commission s’attaque à un véritable problème de santé publique : il y aurait entre 13 et 17 % de personnes obèses en France. Une décision bien accueillie par la Société Française de Santé Publique, qui propose 17 chantiers prioritaires à cette Commission, chantiers qui permettront de compléter les multiples actions conduites depuis plusieurs années dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS).
** Professeur de nutrition à l’université de médecine Paris 13, le Pr. Serge Hercberg est aux commandes de NutriNet-Santé. Cette étude, qui vise à recruter 500 000 volontaires sur 5 ans, est la plus grande étude nutritionnelle jamais menée. Elle vise à étudier les comportements alimentaires des Français à la fois pour les mieux comprendre mais aussi et surtout pour établir des liens précis entre nutrition et santé. http://www.etude-nutrinet-sante.fr/

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