Catherine Corsini clashe le maire qui a boycotté son film
La belle saison est sortie le 19 août dernier, et Philippe de Beauregard, maire de Camaret-sur-Aigues, a choisi d’en annuler la publicité dans sa commune. Catherine Corsini, la réalisatrice, réagit dans une lettre ouverte sans concession.
Petit à petit, les moeurs évoluent, l’homosexualité portée à l’écran se banalise doucement, mais lorsqu’il s’agit de saphisme, tous les esprits ne s’avèrent pas ouverts. Ainsi, alors qu’aucune polémique n’avait accompagné la sortie de La Belle saisonde Catherine Corsini, Philippe de Beauregard, maire FN de Cameret-sur-Aigues, a choisi de faire retirer tous les affichages et informations municipales en lien avec le film. La réalisatrice, scandalisée, réagit dans une lettre ouverte publiée sur le site de la Société des réalisateurs de films qu’elle co-préside.
La belle saison raconte une histoire d’amour lesbienne, entre Carole (Cécile de France) la citadine et Delphine (Izia Higelin) la paysanne, le tout sur fond de révolution féministe dans les années 1970. Rien de choquant en soi, ce que confirme d’ailleurs la classification officielle dans les longs-métrages adaptés à tout public malgré des scènes de nu.
C’est pourtant derrière ces séquences que se retranche le maire de la petite commune du Vaucluse pour justifier ses actes. “J’ai vu le film, qui est émaillé de scènes érotiques en gros plan, je n’ai pas voulu en faire la promotion avec les moyens municipaux” commence-t-il. Pour se défendre de toute homophobie, il assure qu’il aurait agi de la même manière si le thème avait été hétérosexuel. “J’ai utilisé ma liberté d’expression pour avertir les parents qu’à mon sens ce n’est pas un film pour les enfants,” conclut Philippe de Beauregard pour se défendre.
Des propos qui bien sûr font rugir Catherine Corsini, laquelle ironise sur la pudibonderie du maire. « A vous en croire, on devrait rhabiller les statues de nues, mettre un voile sur les peintures de Courbet, Manet, Renoir et de tous les peintres qui ont su croquer la nudité avec réalisme. Nous devrions aussi interdire les musées à la jeunesse. » Elle rappelle en effet que la nudité dans l’art date de la préhistoire, et que tous les symboles qui y sont associés, nés bien avant la religion, sont toujours positifs.
Aussi elle revient, provocante, sur le “problème” des scènes dénudées. “Ce qu’on voit dans La Belle Saison, c’est la nudité des corps, dans leur liberté, dans leur beauté et dans leur insouciance face au désir, ce sont les visages, les rires, les sourires de deux femmes qui évoquent l’appétit de la vie. Est-ce cela qui vous choque? Est-ce la caméra qui découvre les poils pubiens d’une actrice, en gros plan comme un tableau, qui vous trouble, ou est-ce de voir deux femmes s’aimer?” Enragée, après s’être interrogée sur le plus pervers des deux, termine sur un point de culture qui n’est pas sans rappeler la présente histoire: “C’est cette censure qui s’est attaquée aux poèmes de Baudelaire, pour qu’on ne l’entende jamais parler dans Lesbos.”
Voilà ce qu’on appelle une cinéaste engagée.